Beethoven : Sonate 'à Kreutzer', arrangement pour violon et orchestre à cordes (Renaud Capuçon)

Beethoven : Sonate 'à Kreutzer', arrangement pour violon et orchestre à cordes (Renaud Capuçon)

Renaud Capuçon dirige, au violon, l’Orchestre national de France dans un arrangement pour violon et orchestre à cordes de la Sonate pour piano et violon n° 9 en la majeur, op. 47 « à Kreutzer » de Beethoven.
Arrangement pour pour violon et cordes de Richard Tognetti
On trouve non pas un mais deux violonistes dans l’histoire de la Neuvième Sonate pour piano et violon de Beethoven sous-titrée « à Kreutzer »
Petit détour littéraire : La Sonate à Kreutzer, c’est le titre d’un bref et sombre roman de Tolstoï daté de 1889, l’histoire d’un mari jaloux qui tue sa femme qu’il croit infidèle. Un roman où apparaît fugitivement la sonate de Beethoven dite, précisément, « à Kreutzer ». Cette dédicace du compositeur au violoniste Rodolphe Kreutzer (1766-1831), par ailleurs lui aussi compositeur, auteur de quarante opéras dont Lodoïska et La Mort d’Abel, n’alla pas de soi. Contemporaine de la Symphonie « Héroïque », la sonate fut achevée dans la hâte afin que le violoniste anglo-polonais George Bridgetower, auquel elle était destinée, puisse la créer en compagnie du compositeur lors du concert prévu le 24 mai 1803 à l’Augarten. « Bridgewater fut obligé de jouer le merveilleux thème avec variations, en fa majeur, sur le propre manuscrit de Beethoven, on n’avait pas eu le temps de le recopier », raconte Ferdinand Ries.
Une obscure controverse amoureuse brouilla par la suite Beethoven et le violoniste, et c’est vers Rodolphe Kreutzer, rencontré à l’ambassade de France à Vienne, que se tourna le compositeur. Kreutzer, cependant, trouva que la sonate ne convenait pas idéalement à sa manière, et ne la joua jamais en public. Ses trois mouvements mettent pourtant également en valeur les deux instruments, là où les premières sonates pour piano et violon de Beethoven privilégiaient le clavier : elle est écrite, selon Beethoven lui-même, « in uno stilo molto concertante quasi come d’un concerto ». Il est vrai que le vaste premier mouvement a quelque chose d’emporté : le violon attaque seul l’Adagio sostenuto, rejoint presque timidement par le piano. Mais tout change avec le Presto, qui fait dialoguer l’un et l’autre instrument avec une véhémence qui balaye tout dès que semble intervenir un moment de répit. Nous ne sommes qu’en 1803, mais Beethoven nous offre un second mouvement tissé de variations suspendues, parfois joueuses, comme il le fera d’abondance dans ses dernières sonates et ses derniers quatuors. Le finale, sur un rythme de tarentelle, a tout d’une course folle.
En 1923, Leos Janacek rendra hommage à son tour à cette partition (mais aussi au roman de Tolstoï !) en baptisant l’un de ses propres quatuors « La Sonate à Kreutzer ». Où l’on voit l’avalanche des références se télescoper encore et toujours : car voici venir Richard Tognetti, qui apporte sa contribution en arrangeant pour violon et orchestre à cordes la sonate de Beethoven.
Né en 1965, ce violoniste et compositeur est directeur musical de l’Australian Chamber Orchestra depuis 1990. Il est passionné de surf, met Bach au-dessus de tout et a arrangé de nombreuses partitions dont… le Quatuor « La Sonate à Kreutzer » de Janacek, mais aussi la Grande Fugue de Beethoven, le Quatuor de Ravel ou le Quatuor « La Jeune Fille et la Mort » de Schubert. Compositeur, il a signé plusieurs œuvres avec la collaboration de Michael Yezerski et Christopher Gordon. Avec le rocker Iva Davies, il est l’auteur de The Ghost of Time (1999), qu’il a lui-même créé au violon électrique.
Son arrangement de la Kreutzer change évidemment les couleurs et les équilibres. On a désormais affaire à un concerto pour violon et orchestre à cordes, ce dernier étant traité avec beaucoup d’imagination : est mis en valeur, tantôt le tutti, tantôt tel ou tel instrument séparément. L’énergie circule ici entre les pupitres sans qu’on puisse encore parler de dialogue ou de conflit entre le violon solo et les membres de l’orchestre.
Structure
Adagio sostenuto
Presto
Andante con variazioni
Finale: Presto

France Musique,22 Juillet 2020,Orchestre National de France